Belgique, France, Luxembourg : 2014
Titre original : –
Réalisateur : Jaco van Dormael
Scénario : Jaco van Dormael, Thomas Gunzig
Acteurs : Pili Groyne, Benoît Poelvoorde, Marco Lorenzini, François Damiens, Catherine Deneuve
Distribution : Le Pacte
Durée : 1h52
Genre : comédie, fantastique
Date de sortie : 02 septembre 2015
Note : 4/5
Jaco van Dormael n’est pas ce qu’on peut appeler un réalisateur très prolifique : son précédent film, l’époustouflant Mr. Nobody, datait de 2009. Pourtant ce monsieur ne tourne pas pour ne rien raconter, chacun de ses films étant entouré d’une grand réflexion sur la vie et d’une poésie sensible. Avec Le Tout Nouveau Testament il imagine que Dieu est une ordure, qu’il vit à Bruxelles, et que sa fille en crise d’ado va rendre aux gens leur libre arbitre.
Synopsis : Dieu existe. Il habite à Bruxelles. Il est odieux avec sa femme et sa fille. On a beaucoup parlé de son fils, mais très peu de sa fille. Sa fille c’est moi. Je m’appelle Ea et j’ai dix ans. Pour me venger j’ai balancé par SMS les dates de décès de tout le monde…
Et si Dieu était un (belge) salopard ?
Le Tout Nouveau Testament est un peu la surprise de la future rentrée ciné. Un ofni, ce type de film qui rentre dans toutes les cases et les survole, une oeuvre de délicatesse autant que de drôlerie, d’impertinence autant que de gravité, le tout saupoudré d’une étrange gravité. Le début du film est hilarant : d’abord le réalisateur nous raconte ni plus ni moins qu’une version revue et corrigée du nouveau testament. En gros, Dieu s’emmerde, il crée Bruxelles et ensuite il crée l’Homme, sorte de petit soldat de plomb avec lequel il fait joujou et qu’il s’amuse à emmerder de toutes les façons possibles et imaginables. Pour se rebeller comme son frère Jesus, Ea décide de balancer à l’humanité entière leur date de décès avant de se faire la malle. Alors oui c’est plutôt pêchu comme on l’imagine. Et c’est là que Le Tout Nouveau Testament devient métaphysique : Dieu cesse d’avoir de l’influence parce que les gens n’en ont plus rien à faire de se battre, ils veulent profiter du temps qui leur reste à vivre. Cela donne lieu à des situations cocasses, des petites scénettes parfois drôles (une femme dans son bain à qui il reste une minute à vivre va tout faire pour se cloisonner et échapper à la mort, sans succès), parfois très triste (une mère qui va tenter de tuer son fils trisomique car elle est destinée à mourir avant lui). Dans cette anarchie, Ea va tenter de trouver six apôtres pour écrire un nouveau testament et mener l’humanité vers d’autres cieux. Le film est un voyage initiatique dans le sens où ces six apôtres sont des lambda (une femme privée d’un bras, un tueur, un obsédé, une femme seule, un enfant surprotégé, un homme ayant consacré sa vie entière à son travail) et vont découvrir qu’au fond ce sont des êtres-humains magnifiques avec leur personnalité, leur individualité. Le réalisateur délivre un formidable message positif sur le fait qu’il faut croire en l’humain et qu’il faut profiter de cette vie magnifique qui s’offre à nous malgré cette finalité. Le Tout Nouveau Testament est un film polymorphe d’une poésie incroyable, à voir.
Quelques jours après avoir découvert le film, rendez-vous dans un grand hôtel parisien pour rencontrer le réalisateur Jaco van Dormael avec d’autres amis blogueurs. C’est un homme passionnant d’une profonde gentillesse qui a répondu à nos questions. Après avoir évoqué l’importance des blogueurs en Russie (les seuls lus par la jeunesse pour leur indépendance de ton face au pouvoir), voici pêle-mêle ses réponses à nos questions.
– Sur son rapport à la religion : « Je ne suis pas croyant mais ça donne une force à ceux qui le sont, j’aime le doute et je crois dans le doute. Je ne voulais pas faire un film sur la religion mais juste me servir du pitch du « livre » (le nouveau testament) et reprendre l’idée comme d’un conte de fée qui est connu par tout le monde pour en faire un autre conte décalé et ajouter des personnages féminins (Ea, la femme de Dieu). »
– Sur le visuel de son film : « Le cinéma est un art collectif, on l’a écrit à deux. Je travaille avec des gens et cela devient beaucoup mieux, chacun amène quelque chose que je n’aurais pas pu anticiper, et donne des couches de compréhension et de perception en plus, comme une grande symphonie. »
– Au sujet des acteurs : « Quand j’écris je ne pense jamais à des comédiens par peur d’être déçu s’il refuse, mais quand un comédien me dit oui je réécris le rôle pour lui, pour en faire un costume sur mesure. Je vais mettre tous mes amis ensemble, des connus, des pas connus et faire quelque chose qui ressemble à un film d’amis, et ce bric à brac que Dieu a crée avec Bruxelles. La seule que je ne connaissais pas c’est Catherine Deneuve. Elle a lu le scénario et a dit tout de suite oui. C’est quelqu’un qui n’a pas froid aux yeux, elle a dit oui à tout. Sur le plateau, c’est quelqu’un de très drôle avec un humour incroyable qui n’a peur de rien. Le premier jour de tournage pour la scène d’amour avec le jeune homme je lui disais « Catherine, si vous voulez (je la vouvoyais) garder une chemisette… Elle répondait – Jaco je ne peux pas faire l’amour en chemisette ! », c’est quelqu’un qui n’a peur de rien. »-
– Sur le mélange des genres : « Mélanger les types de perception élargit la vision, parler de la mort avec comédie amène le rire qui amène le poétique car décalé, et alterner comique-dramatique-poétique, on peut plonger dedans, prendre de la distance et en rire. »
– Un sujet délicat ? « Je suis mon propre producteur, je n’ai ni essayé de provoquer, ni être pas provocateur. Si le pape voit le film il va rigoler, il est pas con, le précédent n’aurait peut-être pas ri. Je ne trouve pas ça touchy même si ça peut fâcher les gens, enfin j’espère, on verra quand ça sort (rires). »
– Optimiste ? « J’ai plutôt l’impression de l’être oui. Enfin tant que je suis vivant, je sais que ça va finir mal, mais avant la fin j’espère qu’on va s’amuser ! Comme le dit Ea, le paradis c’est ici, après il y a rien, attend pas qu’il y ait quelque chose de mieux après, il n’y a rien. Après, la poésie existentialiste est involontaire, elle vient des personnages. »
– Au sujet de la playlist : « J’avais envie que la musique intérieure soit plus large que ce qu’ils donnent l’impression d’être, qu’on se dise « à l’intérieur ce mec est grand, ce mec est magnifique » alors que c’est un petit bonhomme dans une caravane. C’est pour dire l’intérieur du personnage est plus grand que ce qu’ils donnent l’air d’être, des perdants magnifiques qui pensent être passés à côté de leur vie, pensant qu’il n’arrivera rien et puis si. »
– Influences artistique ? « (Longue réflexion) J’ai toujours l’impression qu’il y en a pas vraiment mais si en fait. Des histoires qu’on m’a racontées… Plein de références inconscientes. »
– Sur l’accueil à Cannes : « C’est chouette, je ne sais jamais si les gens vont aimer ou pas, un film c’est une bouteille à la mer, en plus Cannes c’est un amplificateur dans les deux sens, ça peut être une mise à mort, et on en élève d’autres films qu’on pourrait abattre l’année d’après. À la Quinzaine on ne compare pas les films comme en sélection principale, mais ça n’existe qu’à Cannes ce genre d’effet de bouche à oreille. Comme dans Mr. Nobody, sorte d’effet papillon. La carrière d’un cinéaste c’est : tu es hot, has been, hot, has been, hot has been… »
« Au début du cinéma avec Lumière on disait au spectateur « regardez ce que je raconte, c’est vrai » et Méliès plutôt l’inverse « ne croyez pas que ce que je vous montre est vrai » : entre les deux comment reproduire la perception dans les deux cas, qu’est ce qui est réel, qu’est ce qui ne l’est pas ? Le cinéma est très apte à recréer la perception juste avec deux sens l’image et le son. On est dans la perception mais on ne sait pas ce qui est réel. »
– Au sujet de Mr. Nobody : « C’est un film international car tourné en anglais, cela correspondait bien au film. Mr Nobody est devenu célèbre grâce au piratage : si on ne peut pas le voir et qu’on ne peut que le pirater, ça permet de le voir. Il ne rentrait dans aucune case, c’est le film dont je suis le plus fier. »
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