Au festival de Deauville, en plus d’Eli Roth, nous avons également rencontré la charmante Lorenza Izzo (Mme Roth à la ville) toujours au sujet de Green Inferno dont elle est la tête d’affiche. Le film sort en exclusivité e-cinéma sur les plateformes VOD le 16 octobre.
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Note : la table ronde a été réalisée avec d’autres blogs et a duré un long moment. Afin de se concentrer sur le film nous avons réduit la taille des questions (Lorenza a aussi beaucoup parlé de Knock Knock).
Qu’est-ce que ça fait d’être dans un film d’horreur aussi gore ?
Lorenza Izzo : C’est très fun ! Personnellement, je ne regarde pas ce genre de films, je ne suis pas du tout une geek des films d’horreur, mais je comprends que l’on puisse aimer et je vois ce que ça peut avoir d’intéressant. Mais moi, je suis incapable d’en regarder. Après, être dans un film d’horreur, c’est une autre histoire. C’est très fun, surtout avec tout ce sang, ces effets gores etc… Green Inferno est assez dingue dans le genre, parce qu’on a tourné vraiment dans la jungle. Tout ce que vous voyez est vrai, il n’y a pas de studio, tout a été tourné dans des décors naturels. On est vraiment allés dans un village, ce sont de vrais gens… Qui en plus parlent espagnol, ma première langue. Pour moi, ce fut une expérience assez magique car j’ai passé beaucoup de temps avec des gens géniaux, coupée de toute technologie. J’étais vraiment près de mon personnage, Justine, privée comme elle de téléphone, des réseaux sociaux… Ça vous pousse à vous connecter à votre environnement et à être dans le moment présent. Pour moi, en tant qu’actrice, travailler dans un tel environnement, c’était sacrément magique.
Ce n’était pas un enfer vert alors ?
Lorenza Izzo : Écoutez, c’est assez drôle parce que j’ai adoré l’expérience et quand je regarde en arrière, je me dis « Mon dieu, mais c’est fou ce que j’ai fait !« . Mais dans le même temps, je me dis aussi « Mais à quoi j’ai pensé putain ?« . Parce que c’était un cauchemar. On était sans arrêt recouverts d’araignées, c’était impossible de dormir. Il faisait une chaleur à crever et vous dormez avec un t-shirt à manches longues et un long pantalon, allongée comme ça sur le dos, sans bouger. Et je vous épargne les crises de diarrhées parce que la bouffe était assez… compliquée. Et en même temps, vous passez votre temps à vous gratter partout. Les conditions physiques n’étaient pas géniales, ça c’était le vrai « inferno« . Et en une seconde, il pouvait se mettre à pleuvoir et tout ce que vous aviez préparé sur le plateau était à refaire… Pour un acteur, c’était un vrai challenge car vous deviez en permanence tout connaître par cœur, chaque ligne de dialogue, chaque scène. Parce qu’en une seconde, le climat pouvait basculer et on passait en urgence à une autre scène. « Vite, on fonce, scène 62… Heu, oui, c’est bon, je suis là ! » Le début, on a tourné à New York, tout était beau, propre, il y avait du maquillage. Dans la jungle, c’est fini, il n’est plus question de maquillage. Il y a juste la boue, des gens peints en rouge qui vous touchent partout, vous transpirez et vous ressemblez à rien. Mais pour répondre à votre question de départ, c’était très fun de faire un film d’horreur. Épuisant mais fun.
Vous avez dit que vous détestez les films d’horreur mais avant de tourner Green Inferno, vous n’avez vu aucun film de cannibales ? Eli Roth ne vous en a pas montré quelques-uns comme Cannibal Holocaust ou Cannibal Ferox ?
Lorenza Izzo : Si, bien sûr, plein ! Vivre avec Eli, c’est toute une éducation. C’est un vrai geek et il comprend le cinéma de genre comme personne. Il a un savoir hallucinant. C’est drôle de les voir lui et Quentin Tarantino parler de films. C’est intéressant. Avant Aftershock, je n’avais jamais vu les classiques. Je n’avais même jamais vu L’Exorciste. C’était à ce point. Mes devoirs pour ce film, ça a été de regarder Cannibal Holocaust. Eli m’a dit que je devais le voir. Et bizarrement, j’ai trouvé ça vraiment brillant. J’ai eu l’occasion de rencontrer Ruggero Deodato, qui est un réalisateur fantastique et quelqu’un de tellement gentil. On a parlé du film. C’était le début des années 80 donc vraiment un autre siècle, mais c’est marrant, aujourd’hui les gens sont offensés par trois fois rien. Vous ne pouvez plus rien faire sans qu’on vous tombe dessus en vous disant que c’est mal, que vous n’avez pas le droit de faire ci ou ça. Clairement, ce serait impossible de faire un film comme ça, aujourd’hui. Bref, en tout cas, j’ai dû voir quelques films de cannibales, Holocaust etFerox et d’autres, j’ai oublié les titres. Mais à la fin de Green Inferno, c’est amusant, il y a comme une bibliographie avec une liste de films.
Il y a une très bonne balance dans le film, entre les éléments comiques et les éléments gores…
Lorenza Izzo : Pour moi, en tant qu’actrice, c’est important quand je lis un script, que tout sonne vrai. Et dans la vraie vie, on traverse plusieurs émotions. Même dans les temps les plus sombres, il peut nous arriver de rire. Les êtres humains composent avec leurs humeurs. C’est un aspect clé de Green Inferno. Les personnages ont un côté scooby-doo gang. Et j’adore l’arc narratif de mon personnage, Justine. C’est important pour moi, que les gens croient à son évolution. Elle passe de quelqu’un de très naïve, pas stupide, mais naïve, à une vraie guerrière-survivante. Il y a un fond très initiatique car elle grandit avec cette expérience. Elle y gagne un instinct de survie et une meilleure compréhension du monde, en réalisant que le monde est plus grand qu’elle ne le pensait et qu’il ne se résume pas à nous-même. D’ailleurs, ça résonne un peu avec le fond qui parle des nouvelles technologies. Cette nouvelle génération avec les réseaux sociaux, qui veut être vue. Ils tweetent à propos de tout et n’importe quoi et font croire qu’ils s’intéressent aux choses alors qu’au fond, ils n’en ont rien à foutre. Ils se donnent juste l’image de s’intéresser. C’est un commentaire intéressant sur la société moderne. Quelque part, c’est une des raisons qui fait que j’ai été attirée par ce film. Au-delà du sang, du gore et du fun, il y a un message puissant. Le fait que le monde est bien plus grand qu’on ne le croit. Et le fait qu’il y a des choses qu’on doit comprendre avant d’embrasser certaines causes. On ne peut pas foncer tête baissée sans comprendre tout le tableau, ce n’est pas comme ça que l’on pourra aider qui que ce soit. Par exemple, la scène où l’on voit ces photos de femmes excisées en Afrique, j’étais tellement choquée. Et j’ai fait des recherches. Et j’ai compris que je ne connais pas ces tribus, je ne connais pas leur culture, je n’ai pas le droit de les pointer du doigt en disant « Vous avez tort » sans comprendre vraiment de quoi je parle. Pour moi, c’est le vrai message.
« C’est très très fun de faire un film d’horreur » – Lorenza Izzo
Vous avez ensuite joué dans Knock Knock. Est-ce que le film a été une sorte de revanche pour vous ?
Lorenza Izzo : (rires) Ça a été une revanche sur l’environnement ! Yes, finie la jungle, maintenant, une maison, trois personnages, ça va être hyper-facile. Et putain, pas du tout. C’est tellement difficile de jouer un personnage qui dirige un thriller. C’était plus lent, plus intense… En terme de performance, les rôles de Justine et Genisis, ce sont vraiment deux expériences radicalement différentes. On a bossé avec la même équipe que sur Green Inferno, c’était confortable pour moi. Il y avait même des acteurs en commun, comme Aaron Burns. Aaron Burns qui avait un coup de cœur pour mon personnage dans Green Inferno et qui vomit dans ma bouche dans le film… (rires)
Cette scène est mémorable. Pouvez-vous nous en parler un peu ?
Lorenza Izzo : C’est la scène avec le crash d’avion… On était dans ce petit avion au Chili et la veille, on était allés à une fête. Quand on est arrivés dans ce petit aéroport, j’ai vu ce petit avion et j’ai dit « Mais, je vais jamais monter là-dedans« . « Mais si, on va tous monter là-dedans et Aaron va te vomir dessus ! » m’a dit Eli. On est montés et j’ai commencé à hurler les yeux ouverts ! D’ailleurs, personne ne crie les yeux ouverts franchement ?! Mais ça fait plus expressif à l’écran, paraît-il. J’ai ouvert la bouche mais j’ai oublié le décompte et le yaourt (qui faisait office de vomi – ndlr) est tombé directement dans ma bouche. C’est dégueulasse. J’ai cru que j’allais gerber à mon tour.
On verra ça dans les suppléments du DVD…
Lorenza Izzo : Vous verrez, les bonus sont encore plus fun que le film ! Vous vous rendrez compte de toute la merde qu’on a traversé. Il y a tellement d’anecdotes que je pourrais vous raconter. Mais oui, j’ai eu ma revanche avec Knock Knock. Justine était un personnage assez facile à travailler, par rapport à Genisis. Mais c’était fun de jouer une salope psychopathe. Enfin, elle n’est pas juste ça, c’est un être humain à qui il est arrivé beaucoup de choses pour qu’elle devienne comme ça. Mais c’était fun, y compris de travailler avec Ana de Armas, avec qui il y avait un vraie alchimie. Et Keanu Reeves, qui est un acteur brillant. Il a rendu le job plus facile.
Et quel genre de réalisateur est Eli Roth sur un plateau de tournage ?
Lorenza Izzo : Il est génial. Il est multi-facette. C’est un scénariste et un producteur brillant, un super réalisateur, c’est un artiste complet, en plus d’être un très bon acteur. Bon, je suis mariée avec lui, en même temps. Je travaillerais pas si souvent avec lui, sinon ! Il est très bon dans sa façon de gérer sa relation avec ses acteurs. Il tient ça de sa collaboration avec Quentin Tarantino, je pense. Il est un peu comme un capitaine de bateau qui serait aussi un membre d’équipage, en même temps. Il anticipe beaucoup. Il tourne vite, pas besoin de faire des dizaines de prises avec lui. Il vous laisse improviser, en plus. C’est une bénédiction de travailler avec lui. Il sait donner le ton. Ça serait impossible de bosser comme ça au milieu de la jungle, avec quelqu’un qui ne saurait pas où il va. Et même quand il est un peu perdu, il est très fort pour donner l’illusion qu’il sait ce qu’il fait ! Je suis très contente des deux films qu’on vient de faire et là, on va suivre des chemins séparés. Il va faire Meg (un film de requin – ndlr) et moi, je vais faire plus de comédies, des drames, et des comédies romantiques.
Combien de temps a duré le tournage ?
Lorenza Izzo : On a tourné deux semaines à New York. Mais j’y suis allé un peu avant pour préparer mon personnage. Je suis allée à l’Université Columbia pendant trois semaines. Un ami à moi y était donc je le suivais partout comme son ombre. J’étais une étudiante sous couverture. Et après, on est parti dans la jungle au Pérou, pendant un mois. Ensuite, on a passé une semaine au Chili pour les scènes avec des effets spéciaux. On a tourné de façon chronologie, en fait. Il n’y a finalement que la scène du crash d’avion, que l’on a tourné à part.
Vous avez des scènes très difficiles dans le film, aussi bien en tant qu’actrice, qu’en tant que femme…
Lorenza Izzo : C’est drôle que vous disiez ça, car le tournage commence à remonter à un moment (le film a été tourné en 2012-2013- ndlr) et je me souviens très bien, que j’étais très nerveuse car je savais que je serai nue pour certaines scènes. En plus, je m’étais blessée, j’ai tourné le film avec un pied cassé. Je me sentais très mal à l’aise dans la scène où je suis nue, les jambes écartées… Heureusement, l’équipe était très gentille. Ils ont bien géré, ils faisaient des blagues sans arrêt. Ça me faisait rire et du coup, ça m’a mis à l’aise. Dans le film, il y a des scènes où l’on court beaucoup. Physiquement, ça n’a pas été facile. La scène où on tombe sur un jaguar, par exemple.
Ce n’était pas un vrai jaguar quand même ?
Lorenza Izzo : Non ! Enfin si, mais il a été placé là numériquement. Heureusement ! Non parce que courir à moitié nue, en pleine jungle et tomber sur un putain de jaguar… Hors de question ! Mais vous savez, j’y pense, une scène qui a été très difficile, c’est la scène où je monte dans l’hélicoptère. Je n’en ai pas parlé mais… Je devais courir vers cet hélico, à moitié nue. Le pilote, Antonio, était quelqu’un qui ne parlait pas beaucoup. On a décollé et là, je vois deux immenses nuages noirs face à nous. Je me suis dit « Oh merde, on va mourir ! » On était dans les airs, voir la forêt et la rivière d’en-haut, c’était magnifique. Mais il y avait ces deux nuages en face et je disais, on va les contourner, n’est-ce pas ? Et non. On va les traverser. L’hélico secouait dans tous les sens. Ça cognait dans tous les sens, la caméra cognait partout, et moi, je hurlais au milieu ! Ce fut la seule journée où j’étais là : « Ok, c’est magnifique, mais ramenez-moi maintenant !«
Et au final, vous seriez prête à remettre ça ?
Lorenza Izzo : Sans problème ! Dans la seconde. Et puis, on peut décliner le film dans tous les sens. Beyond the Green Inferno, After the Green Inferno, Under the Green Inferno, Over the Green Inferno. Vous pouvez en faire des tonnes. Il nous est arrivé tellement d’histoires. Je vous épargne tous les trucs avec les Shamans et leurs drogues hallucinogènes et tout. J’adorerai y retourner.
Mais le tournage commence à remonter et maintenant, vous voudriez faire d’autres choses…
Lorenza Izzo : Eli Roth est vraiment un maître de l’horreur et si je devais revenir au genre, ce ne serait qu’avec lui, je pense. Bon, sauf si David Fincher m’appelle pour faire un film d’horreur, là je fonce. Vous savez, c’est dommage que le film ne soit pas sorti avant mais, au final, c’est presque une bénédiction. Il n’y avait aucun problème avec le film en lui-même, on a même eu de super retours dans les festivals. Mais il y a eu des problèmes avec le distributeur. Le film est resté bloqué pendant plus d’un an, avec des avocats qui se battaient autour de lui. Enfin, ils ne se battaient pas, ils « parlaient » de façon assez civilisée. C’était une situation assez complexe et heureusement, Jason Blum est arrivé et il a sauvé le film. Finalement, on est assez reconnaissant de tout ça pour deux raisons. D’abord, parce que ça a créé une vraie attente chez les gens. Ils n’arrêtaient pas de tweeter pour demander quand le film allait sortir et tout. Ça a créé une histoire presque fantomatique. Est-ce que le film existe vraiment ? Quand est-ce qu’il arrive ? Et dans le même temps, ce dont on parle dans le film, avec ces étudiants qui interviennent dans ce village… On a eu un groupe qui a monté une pétition pour interdire le film car ils étaient révoltés par l’histoire et la façon dont on montrait ce village. Ils n’avaient même pas vu Green Inferno et ils ne savaient même pas de quoi ils parlaient. Et c’était exactement le sujet du film ! Merci les gars, on va être les premiers à signer votre putain de pétition débile ! Le film devait attendre pour sortir et son sujet devenait de plus en plus réaliste !
Il y a un truc amusant dans Green Inferno. Le film parle beaucoup des réseaux sociaux et de leur utilisation. Et je crois que c’est la première fois que je vois, au générique de fin, les comptes Twitter du casting écrits à côté des noms !
Lorenza Izzo : C’est cool n’est-ce pas ! Eli a repris cette idée de Nicolas Lopez. Nicolas m’avait découvert quand j’avais 19 ans. Il avait cette trilogie qui s’appelaitFuck my Life puis Fuck my Wedding et Fuck my Family. J’avais joué dans le deuxième. Nicolas est un vrai génie. C’est presque un Woody Allen en Amérique du Sud. Et dans ce film, il avait mis les Twitter des gens au générique de fin. Du coup, toute la campagne de ce film était vachement tournée vers les réseaux sociaux.
Il y avait un autre détail amusant dans Green Inferno. Le personnage de Justine est une jeune fille vierge et naïve. Mais dans sa chambre, juste au-dessus de son lit, elle a un poster de 37°2 Le Matin, qui est un film très érotique avec Béatrice Dalle !
Lorenza Izzo : J’adore ce film !! Vous êtes la première personne à en parler ! C’est un clin d’œil très ironique. Son film préféré est 37°2 Le Matin, comment elle peut être encore vierge ! Mais j’avais rencontré une fille qui adorait ce film, qui était très ouverte sur le monde et tout… Et qui était vierge ! Bon, en vrai, c’était juste une geek. C’était une idée d’Eli Roth. Il avait fait NYU (une célèbre Université new-yorkaise – ndlr) et il avait vu ce poster partout dans les dortoirs des filles. C’est de là que vient l’idée. J’ai vu le film et j’en suis tombé amoureuse. C’est très ironique. Et son livre préféré est Moby Dick aussi. C’est tellement cliché ! Justine est une personne très réaliste mais pleine de clichés ironiques. En même temps, on aime tous Moby Dick… Mais au final, je trouve que Green Inferno est une très belle histoire. Avec beaucoup de gore, mais je le trouve assez lumineux, curieusement. Vous avez tous vu Hostel ? Je trouve que Hostel est plus difficile à regarder, par exemple. Quelque part, il y a quelque-chose d’assez jubilatoire à voir ces gamins blancs qui se croient supérieurs, se faire bouffer par des cannibales.
Merci à Lorenza Izzo, Benjamin chez Wild Side, et Way To Blue pour cet entretien. Et également merci aux autres blogueurs pour leurs questions.
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