États-Unis : 2015
Titre original : –
Réalisateur : Crystal Moselle
Scénario : Crystal Moselle
Avec : Bhagavan Angulo, Govinda Angulo, Jagadisa Angulo
Distribution : Luminor
Durée : 1h20
Genre : documentaire
Date de sortie : non daté
Note : 5/5
Projeté au festival de Deauville 2015 et lauréat du prix du jury dans la catégorie documentaire à Sundance, The wolfpack de Crystal Moselle est l’une des plus belles découvertes de ces derniers mois. Un documentaire bouleversant qui mérite le coup d’œil…
Synopsis : Les six frères Angulo ont passé toute leur vie isolés de la société, enfermés avec leurs parents dans leur appartement du Lower East Side à Manhattan. Surnommés « The Wolfpack », ils ne connaissent personne hormis leur famille et n’ont pratiquement jamais quitté leur appartement. Tout ce qu’ils savent du monde extérieur, ils l’ont appris dans les films qu’ils regardent de manière obsessionnelle et qu’ils recréent méticuleusement en fabriquant eux-mêmes accessoires et costumes. Leur univers est sur le point de s’effondrer le jour où l’un des frères parvient à s’échapper.
Le cinéma, passion salvatrice
C’est dans un éclat de rire que s’ouvre ce film atypique. Six garçons, les cheveux longs d’un noir de jais vêtus de costumes du même noir rejouent une scène du cultissime Reservoir dogs. A l’instar d’un Michel Gondry, les garçons fabriquent leurs accessoires et leurs costumes avec ce qui leur tombe sous la main et sont capables de transformer quelques boîtes de céréales en costumes de Batman en un tour de main. Leur plaisir est communicatif et nombreuses sont les scènes hilarantes où la fratrie recrée avec un sérieux à toute épreuve des scènes de leurs films préférés. Cependant, leur histoire n’a rien de comique et Crystal Moselle joue tout au long de son documentaire avec les émotions de ses spectateurs. Au détour d’un moment de complicité entre les frères apparaît soudain un moment beaucoup plus grave où les garçons se confient face caméra à la réalisatrice. Toute la noirceur de leur histoire rejaillit alors, au fur et à mesure que les garçons relatent leurs souvenirs et évoquent leur relation avec leur père. Ce père qui les a cloîtré dans un appartement new-yorkais pendant la majeure partie de leur enfance et de leur adolescence et qui n’accepte de prendre la parole que rarement dans le documentaire pour s’expliquer. Porté par des croyances, des idéaux et des rêves qu’il ne réalisera jamais, embrumé par l’alcool, il a refusé de voir ses enfants mettre un pied à l’extérieur afin de les protéger. Le cinéma n’est pas pour eux un simple passe-temps, c’est une échappatoire, une fenêtre sur le monde qui les empêche de perdre la raison et leur donne la force de continuer. Dans chacun de leurs témoignages ainsi que dans les images tirées de leurs films d’enfance, on ressent la rancœur qu’ils éprouvent envers leur père, l’impuissance et le désespoir de leur mère, mais également l’amour que cette famille se porte.
Crystal Moselle capte avec justesse ces émotions si subtiles et filme avec délicatesse l’envol de ces jeunes frères qui s’émancipent progressivement du joug parental et qui découvrent les petits plaisirs de la vie à l’extérieur.
Le cinéma a souvent été fasciné par le thème des adolescents reclus – que ce soit dans Virgin Suicides ou dans le récent Mustang – mais rarement on a vu tant de sincérité, de tendresse, de simplicité et de pureté dans le propos. Cette fratrie nous embarque dans leur vie faite de moments graves et tristes, d’aventures parfois surréalistes, mais également d’instants de bonheur tellement intenses que l’on a envie de les partager avec eux. En 1h20 , Crystal Mosselle brosse un portrait de famille bouleversant, plein de sincérité et d’humanité. Ce cocktail d’émotions est certainement l’une des plus belles surprises de cette année.