États-Unis : 2015
Titre original : Steve Jobs
Réalisateur : Danny Boyle
Scénario : Aaron Sorkin
Acteurs : Michael Fassbender, Kate Winslet, Seth Rogen
Distribution : Universal Pictures International France
Durée : 2h02
Genre : biopic, drame
Date de sortie : 03 février 2016
Note : 4,5/5
Projet presque maudit, Steve Jobs version Danny Boyle sort enfin chez nous en février 2016. Plusieurs fois pressenti pour les nominations aux Oscars et autres cérémonies prestigieuses, le film n’a pas volé sa reconnaissance critique amplement méritée et on vous dit pourquoi.
Synopsis : Dans les coulisses, quelques instants avant le lancement de trois produits emblématiques ayant ponctué la carrière de Steve Jobs, du Macintosh en 1984 à l’iMac en 1998, le film nous entraîne dans les rouages de la révolution numérique pour dresser un portrait intime de l’homme de génie qui y a tenu une place centrale.
Une sublime tragédie Jobsienne
S’il y a bien un film par lequel je ne m’attendais pas à être surprise, c’est bien Steve Jobs. N’étant pas du tout une Apple Addict (plutôt l’inverse), n’aimant pas spécialement l’homme dont on fait le portrait, trouvant le premier film sur Jobs version Ashton Kutcher très mauvais, étant lassée des biopics qui se ressemblent tous et ayant suivi l’histoire tumultueuse du projet, je m’attendais au pire. En effet, après l’abandon de Fincher en réalisation, puis de Sony en production, il restait une chance sur le casting : mais voilà, Christian Bale, Leonardo Di Caprio, Ben Affleck…tout le monde a fuit le projet. Pas très rassurant…
Et puis Danny Boyle prend la barre, et s’entoure de Kate Winslet et d’un Michael Fassbender qui ne ressemble en rien à Steve Jobs. Et c’est là toute la magie du film. Car ce n’est pas un biopic, en tout cas pas comme on a l’habitude d’en voir. Le but n’est donc pas de ressembler absolument à un homme célèbre, mais de raconter des moments clés de la vie d’un homme brillant et torturé, avec ses défauts, et hanté par ses démons. Et pour faire ça, on pouvait compter sur Aaron Sorkin au scénario, celui qui nous a déjà écrit le superbe The Social Network. 200 pages de dialogues excellents, et il ne manquait plus que la réalisation de Boyle pour mettre en scène tout ça.
Et c’est là que ce Steve Jobs prend tout son sens. Car ici, on ne raconte pas la vie de Steve Jobs, encore moins de façon linéaire. L’oeuvre de Boyle ne sort en effet pas des coulisses de 3 conférences pendant 2h de film. Conférences (ou plutôt keynotes) qu’on ne voit même pas. Ce qui compte, ce sont les quelques minutes qui précèdent chacune de ces conférences, en coulisses, à 3 dates clés : le lancement du Macintosh en 1984, celui du NextCube en 1988 et l’iMac en 1998. Trois moments clés dans la vie de Steve Jobs qui réussissent à eux seuls à conter la vie de l’homme.
Presque tourné comme un huis-clos, le film est donc composé de 3 actes, comme dans une grande tragédie Shakespearienne, et parvient à faire monter la tension de façon incroyable. En cause : 3 façons de tourner différentes (en 16mm, en 35mm puis en numérique), 3 décors différents, 3 looks différents, et 3 styles de musiques différents qui font qu’on ne voit pas le temps passer.
Comme dans toute bonne tragédie qui se respecte, on assiste à des pertes, à des cris, des pleurs, des personnages torturés, à des vengeances et à des demandes de rédemption. Sublime. Le tout est porté par un duo d’acteurs incroyables qui jouent Steve Jobs et sa collègue Joanna Hoffman. Car si le talent de Michael Fassbender est indéniable face à l’écran qu’il crève facilement, il s’avère que le film ne serait pas du tout pareil sans la présence de Kate Winslet, presque autant à l’écran que Fassbender qui occupe 100% des scènes. Leurs échanges sont rythmés d’une façon incroyable, accompagnés par une partition grandiose, et le duo nous emporte dans leur valse d’ego et de génie mêlé à la souffrance.
Lorsque la musique s’arrête, lorsque le rideau tombe sur certaines scènes qui se rapprochent du plan séquence (comme la superbe et intense scène d’introduction), on finit par en avoir le souffle coupé. Comme au théâtre, on veut se lever, applaudir et demander un rappel des acteurs pour que ça continue encore et encore. Alors même si inévitablement, on trouve beaucoup de similitudes entre ce Steve Jobs et The Social Network, Danny Boyle parvient à nous livrer un drame prenant et inventif, du grand art, qui ne mérite sûrement pas l’échec commercial qu’il a déjà rencontré aux Etats-Unis. On espère qu’une chose désormais : que les Oscars reconnaissent le talent de Boyle, Sorkin, Fassbender et Winselt dans leurs nominations, qui livrent tous ici une pièce majeure de leurs carrières. Bravo !