États-Unis, Canada : 2015
Titre original : –
Réalisateur : Robert Eggers
Scénario : Robert Eggers
Acteurs : Anya Taylor Joy, Ralph Ineson, Kate Dickie
Distribution : Universal Pictures International France
Durée : 1h33
Genres : horreur
Date de sortie : 15 juin 2016
Note : 4/5
On attendait tellement The Witch, le phénomène de Sundance, le film d’horreur dont tout le monde disait (avant nous) qu’il renouvelait habilement le genre et se révélait un VRAI film d’horreur (mais qu’est-ce qu’un faux film d’horreur ?). Sans être aussi dithyrambique, disons que c’est une petite claque de mise en scène.
Synopsis : 1630, en Nouvelle-Angleterre. William et Katherine, un couple dévot, s’établit à la limite de la civilisation, menant une vie pieuse avec leurs cinq enfants et cultivant leur lopin de terre au milieu d’une étendue encore sauvage. La mystérieuse disparition de leur nouveau-né et la perte soudaine de leurs récoltes vont rapidement les amener à se dresser les uns contre les autres…
The Witch est un peu le contrepoint parfait à tout ce qu’on peut voir actuellement dans le cinéma d’horreur / de genre. Alors que ces productions provoquent la peur à grand renfort de jump scares, le film de Robert Eggers fait dans la simplicité la plus totale… en apparence. Car en effet il y a plusieurs couches d’horreurs à analyser. La première est déjà la manière de vivre totalement dévote de cette famille, bannie de sa colonie car ayant une interprétation trop stricte de la Bible (un comble au XVIIe siècle alors que la société est déjà très pieuse). La froideur de leur existence entièrement tournée vers Dieu et une vie rude faite de besogne participe à l’angoisse ambiante. Le réalisateur s’amuse avec eux comme avec des pantins : c’est leur manière de voir Dieu et de voir le monde qui va, au fur et à mesure du film, les liguer les uns contre les autres et aider le mal perfide à s’insinuer entre eux. Pour les détruire de l’intérieur et s’accusant de leurs péchés respectifs. Il n’y a pas vraiment de doute d’une présence maléfique dans les bois, déjà par la disparition mystérieuse du bébé de la famille, scène suivie d’une autre effroyable et cinglante en forêt (nous n’en dirons pas plus). Si le film est aussi génial c’est tout d’abord grâce à son ambiance : chaque plan est finement travaillé, il n’y a aucune démesure ; au contraire, la mise en scène est plutôt lente et contemplative, s’attardant longuement sur les paysages et sur les visages. La bande son est extraordinaire, faite d’une musique grinçante à faire se dresser les poils et alternant avec des bruits de la nature et les voix des personnages. Enfin la photographie est terne et froide au possible. Le spectateur semble en apnée pendant une heure et demie. Ce n’est pas que The Witch fait peur dans ce qu’il montre, il terrorise par son côté psychologique : la famille est malsaine dans sa façon de vivre sa foi et chaque personne semble tout seule, ils ne forment pas un groupe harmonieux comme on le comprend par une phrase du Père – c’est uniquement Dieu qui pourra choisir qui ira au paradis, rien de ce qu’il peut faire ou dire ne pourra changer les choses. Il y a donc un côté irrémédiable du destin dans la suite des événements, et ce qui va leur arriver. On en devient presque sadique car on finit par se demander si on veut vraiment qu’ils survivent. À noter également la jeune Anya Taylor Joy convaincante et lumineuse dans toute cette noirceur. On guettera avec attention la suite de la carrière de Robert Eggers dans le genre.